Louise Des Rosiers | de l’effet Tanguy à l’effet Jamel

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L’emploi est très mal réparti sur le territoire national et parfois inaccessible en raison du prix du logement : des zones dynamiques qui créent des emplois sont souvent caractérisées par un marché du logement tendu où les loyers ont flambé depuis le milieu des années 1990. À côté de ces zones dynamiques coexistent des zones avec des taux d’emploi faibles : banlieues, zones industrielles en déclin, zones rurales.

Il se trouve que les variations géographiques du chômage des jeunes sont plus importantes que celles des adultes. Pourquoi ce paradoxe ? Les moins de 25 ans, familiers des voyages, des transports et des nouvelles technologies auraient tout à gagner à aller vers les zones plus dynamiques. La première réponse est à chercher du côté du marché du logement et de l’absence d’une politique de la mobilité. Celle-ci n’est pas encouragée, les jeunes resteront dans leur « sweet home » ou plus précisément dans leur région d’origine, au détriment de l’emploi.

Un système freinant la mobilité des jeunes

Pour rejoindre une zone géographique où plus d’emplois sont disponibles, un jeune travailleur devra soit accéder à la propriété, soit se loger dans le parc locatif privé, soit se loger dans le secteur HLM. Or, aucun des trois secteurs n’est aisément accessible. Pour les primo-accédants, le doublement des prix, voire le triplement en région parisienne, rend le rêve de l’accession à la propriété inatteignable. À cela s’ajoute la préférence française contre la mobilité : l’augmentation des droits de mutation à titre onéreux se fait au détriment de la mobilité. Le parc locatif privé est lui trop régulé ce qui conduit à la méfiance à la signature du bail. Dans les zones en tension, les bailleurs préfèrent les personnes en emploi stable, au détriment des personnes fragiles (en CDD ou a fortiori sans emploi).

Compte tenu de ces difficultés, c’est le parc social qui aurait vocation à accueillir les jeunes actifs voulant s’insérer sur le marché du travail. Mais là encore, l’accès au logement social dans les grandes agglomérations est limité, les files d’attente découragent l’arrivée des jeunes travailleurs et favorisent de fait ceux, déjà installés en ville, qui peuvent attendre quelques mois ou quelques années avant de s’installer dans le secteur social. La mobilité du parc locatif social est par ailleurs très faible, ce qui favorise la montée de l’âge moyen des résidents de ce secteur.

Vers des politiques publiques adaptées

Pourtant, la probabilité de retour vers l’emploi augmente systématiquement avec le loyer des villes sur le territoire. Les jeunes ont même un surcroît de probabilité de retour à l’emploi de l’ordre de 6 % dans les villes les plus chères par rapport aux adultes. Mais ils ne peuvent pas y accéder facilement. Là encore, les politiques publiques semblent inadaptées : elles favorisent les emplois aidés dans les zones économiques atones pour reprendre un adjectif à la mode, créant ainsi des trappes à immobilité pour les jeunes qui s’enferment de facto dans des zones économiques sans avenir.

Pour améliorer la mobilité des jeunes, et encourager leur insertion dans les grandes villes, l’État doit assouplir le marché du logement et communiquer sur les possibilités d’emplois dans les zones dynamiques. L’assouplissement du marché du logement pourrait passer par une baisse des droits de mutation à titre onéreux, une flexibilisation des baux pour permettre aux bailleurs de loger des jeunes sans emploi sans risque financier ; et la création d’une taxe des surloyers du parc social qui augmenterait dans le temps pour les locataires de ce parc dont les revenus dépassent le seuil d’éligibilité. Cela réduirait progressivement l’écart avec le parc privé et provoquerait un appel d’air pour les nouveaux arrivants. Les administrations doivent communiquer plus énergiquement sur la mobilité géographique et les organismes paritaires doivent se porter caution, pour quelques mois, le temps du retour à l’emploi.

Enfin, en matière de mobilité, les incitations ne sont pas uniquement économiques et fiscales. Bouger d’une région à une autre, d’une zone rurale à une zone urbaine, d’une banlieue à un centre-ville, conduit à une profonde modification du réseau de relation. À l’effet Tanguy cité ci-dessus, s’ajoute un effet Jamel, du nom de l’humoriste parti de Trappes pour devenir la star médiatique du Tout-Paris. Destiné à compenser les coûts afférant à la mobilité, le régime fiscal pour les expatriés est très avantageux. Ce régime, dédié aux expatriés les mieux rémunérés, semble acceptable pour la société française. Pourquoi ne serait-il pas jugé acceptable pour ceux qui émigrent courageusement d’un département pauvre en emploi jusqu’à une zone dynamique où ils pourront accéder à un emploi privé, et ainsi, ne plus dépendre du système d’indemnisation chômage ou du RSA ?

La société française, dans la plupart de ses politiques, a pendant longtemps décidé de favoriser l’emploi existant, le capital obsolète, les propriétaires fonciers des régions en déclin. Ce n’est que récemment qu’elle a commencé à miser sur les jeunes, les nouveaux emplois, les innovateurs. Amplifions le mouvement… en favorisant les mobilités !

Cette note est basée sur une étude réalisée pour la Chaire de Sécurisation des Parcours Professionnels/Institut Louis Bachelier. L’étude est à paraître aux Presses de Sciences Po sous l’intitulé « Emploi des jeunes et logement : un effet Tanguy ? »

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Louise Desrosiers

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